Augmentation du coût de la construction

Augmentation du coût de la construction

Le marché de la construction et la crise sanitaire au mois de juin 2021

Explication sur les écarts de prix

Dans un contexte économique très difficile, nous avons observé un bouleversement des prix de la construction.

Nous n’avons pas encore assez de recul pour en mesurer pleinement l’impact économique, mais les éléments suivant conditionnent le prix élevé des offres actuelles.

La désorganisation des filières d’approvisionnement

La situation actuelle est causée en grande partie par l’épidémie de Covid-19.

Pendant de long mois en 2020, la crise du Covid a forcé des entreprises à fermer leurs portes, limitant ainsi la production de matières premières.

Les Français enfermés chez eux en ont profité pour faire des travaux (+27 %) contribuant ainsi à vider les stocks.

En fin d’année, un redémarrage soudain et étonnamment fort a ensuite forcé les entreprises à se fournir là où le produit était immédiatement disponible.

D’un côté, les stocks ont donc diminué et de l’autre une demande forte a fait exploser les prix de certains matériaux.

C’est ce qu’il s’est passé à la fin de l’année 2020. La Chine et les États-Unis ont alors connu une très forte croissance économique et ont absorbé une grande partie des stocks disponibles en Europe.

Pour les Etats-Unis la raison vient de la lourde taxe sur le bois canadien qui a poussé les entreprises américaines à acheter massivement et à prix d’or le bois européen.

Cette pression se ressent de plus en plus au fil des mois.

Suite à l’échouage du porte-conteneurs Ever Given au mois de mars dernier, les frais de transport de marchandises ont augmenté de plus de 400 % pour les conteneurs.

L’impact sur les projets de construction

L’impact de cette désorganisation de la filière se ressent à l’ouverture des offres des entreprises.

En effet, entre le prix d’un projet chiffré en 2020 et les offres entreprises de 2021 l’écart peut être vraiment important, et pousser les maîtres d’ouvrage à relancer les consultations, ceci sans grand effet si les prestations incluent beaucoup de bois, d’acier, de béton, d’isolant…

Le seul moyen de limiter l’envol des coûts est de retravailler le projet en profondeur.

Car le surcoût à 2 composantes :

1.     La rapidité de l’augmentation

Depuis octobre 2020 la fourniture des matériaux n’a cessé d’augmenter très rapidement .

Nous pouvons même dire que les prix n’ont jamais été aussi hauts qu’en ce mois de juin 2021.

Les entreprises qui répondent actuellement à des appels d’offre répondent avec des prix qu’ils ne connaissent pas et cette incertitude les oblige à majorer leur offre afin de pouvoir conserver leur marge.

Les matériaux les plus impactés sont [1] :

  • Acier : ≃ +35% à +106,67 %
  • Bois : ≃ + 20% à 350% selon les essences
  • Aluminium : ≃ +10% à + 27 %
  • Isolant : ≃ +50%
  • PVC : ≃ +114.29%
  • Cuivre : ≃ +51.32 %

Les impacts financiers sur les ouvrages causés par ces matériaux sont de l’ordre de :

  • Augmentation ouvrage contenant de l’acier : ≃ + 15%
  • Augmentation ouvrage contenant du bois : ≃ + 8 à 25%
  • Augmentation ouvrage contenant de l’aluminium : ≃ +2%
  • Augmentation ouvrage contenant de l’isolation thermique : ≃ +20%

2.     La peur de la pénurie et le respect des délais

La demande croissante actuelle pousse les entreprises à prendre en compte dans leurs offres, les pénalités éventuelles en cas de retard dû à l’approvisionnement des matériaux.

Une tension qui va rester haute jusqu’en 2022

La tension sur les matériaux ne risque pas de se résorber au fil des mois à venir.

Même si la pression devenait moins forte, il faudrait de long mois avant que les stocks puissent satisfaire les chantiers déjà commencés, ceux qui commencent et ceux qui commenceront. Et il faudrait de long mois avant que les prix ne retrouvent leur niveau de 2020.

REX adatt

Lors d’une estimation au mois de mai 2021 de la phase PRO-DCE d’un projet, nous avons établis 2 scénarios :

  • Scénario 1 : basé uniquement sur les index BT de fév. 2021 du bâtiment en prenant en compte une augmentation approximative de 3% par rapport à juillet 2020 (APD).
  • Scénario 2 : prise en compte des index BT, majorés de l’augmentation de prix visible actuellement sur certains matériaux (valeur de retour d’appel d’offre issue de projet similaire de février 2021 (adatt)).

Lors de l’ouverture des offres, nous avons constaté que les offres moins-disantes représentaient une augmentation globale de 18% par rapport à l’APD.

 Ht%
Estimation APD (Juillet 2020)10 894 333,55 €0%
Estimation PRO scénario 1 (MAi 2021):11 185 212,26 €3%
Estimation PRO scénario 2 (MAi 2021):11 787 832,32 €8%
Offre moins-disante ( juin 2021)12 811 736,25 €18%

Les indices BT ne reflètent plus la réalité du marché

Au travers de ces 2 scénarios, nous observons un décrochage entre les indices de l’INSEE et les prix des entreprises de plus de 5 %. En effet déjà au mois de février 2021, les prix sont largement supérieurs à l’inflation réelle. La tendance est de plus en plus marquée au mois de juin 2021. Les entreprises moins-disantes proposent des prix majorés d’environ 7 à 10 % par rapport au mois de février.

Ce que supportent les entreprises

1.     Une envolée des prix incontrôlée

Si l’inflation prend littéralement 0,8 % par mois depuis le mois de décembre, l’augmentation réelle est bien plus importante pour les entreprises. En effet les entreprises doivent anticiper des coûts sur des matériaux non disponibles et dont la valeur d’achat augmente très rapidement.

2.     Un manque de visibilité sur les délais

Si la majoration de 8 % par rapport au mois de juillet 2020 est liée à l’augmentation des prix des matériaux et de l’inflation annuelle, les 10 % supplémentaires tiennent davantage du manque de visibilité sur les délais d’approvisionnement des matériaux.

3.     Organisation des équipes et baisse de la productivité

Si la reprise a été soudaine, la crise est toujours présente dans l’organisation des entreprises qui ont vu leur productivité s’effondrer. En effet pendant de long mois la distanciation sociale, les gestes barrières, aération renforcée, port du masque, etc.), les nettoyages intensifs (désinfection), la mise en place de marquage limitant les croisements des ouvriers ont fortement impacté la productivité des entreprises.

4.     10 % de marge de précaution

Globalement on peut estimer que 10 % du surcoût est lié à l’incertitude et à la peur.

Ces 10 % peuvent être une estimation de la marge de négociation possible si les maîtres d’ouvrages prennent en compte l’absence de visibilité sur les délais d’approvisionnement.

Des pistes pour sécuriser les entreprises et les projets

1.     Assouplir les pénalités de retard

Dans le contexte actuel, il est nécessaire de rassurer les entreprises en limitant les pénalités de retard. Récemment l’État a demandé à ce que les pénalités de retard ne soient pas appliquées en marché public.

Il serait bon que dans les CCAP, les maîtres d’ouvrages publics ou privés assouplissent leurs clauses de pénalités.

2.     Intégrer une clause de révision des prix

Afin de limiter les risques de surévaluation des prix de la part des entreprises, il serait bon de proposer une clause de révision de prix, basée sur les indices de l’INSEE, qui permette de garantir une augmentation raisonnée des coûts. En se basant sur le contexte économique réel, hors effet de panique que nous vivons actuellement, pour rassurer les partenaires.

Après un an et demi de contrainte Covid, il est judicieux de proposer un élargissement des conditions budgétaires sur chaque marché, plus favorable aux entreprises soumissionnaires.

[1] source adatt et le Moniteur (https://www.lemoniteur.fr/article/apres-la-flambee-des-prix-la-menace-de-la-penurie.2136769#!.)